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Quelques explications sur le vortex polaire

Comme annoncé depuis plusieurs jours, un épisode de temps très froid frappera la Belgique durant cette dernière semaine de février, voire même encore au début du mois de mars. Durant une première phase, un anticyclone s'étendant de la Scandinavie aux Iles Britanniques dirigera de l'air continental sec et froid vers nos régions. Il gèlera alors chaque nuit. Les journées seront souvent ensoleillées avec des maximas encore positifs en plaine ; il faudra toutefois tenir compte d'un vent de nord-est piquant.

A partir de dimanche, une poche d'air polaire, ayant transité via l'ouest de la Russie et l'Europe de l'Est, atteindra nos régions. Des intrusions d'air en provenance de la Sibérie seront également possibles. Les températures chuteront alors encore de plusieurs degrés et les maximas seront voisins de 0 degré en plaine, et resteront négatifs en Ardenne. Durant les nuits, le gel sera encore plus prononcé avec des minimas de -5 à -10 degrés dans le centre du pays, et souvent autour de, ou inférieurs à -10 (voir localement à -15 degrés) en Ardenne. Le vent, toujours présent en début de semaine, accentuera considérablement la sensation de froid et donnera lieu à des températures ressenties beaucoup plus basses. Cette température sensible tient compte de la déperdition de chaleur du corps humain, due à l'effet éolien.

Température sensible(ressentie) pour la nuit de lundi à mardi à 00hUTC, calculée à partir des prévisions du modèle de prévisions numériques ECMWF

Température sensible(ressentie) pour la nuit de lundi à mardi à 00hUTC, calculée à partir des prévisions du modèle de prévisions numériques ECMWF

Cette offensive du froid, bien que typique de la saison hivernale, sera l'une des plus tardives que notre pays ait connu :

 

DébutFinDuréeTXnégTNminTXmin
1904/02/231904/03/05123-7.3-0.8
1924/02/131924/02/29175-8.8-2.5
1929/02/251929/03/0593-11.7-2.6
1942/01/061942/03/035732-17.8-8.5
1947/02/101947/03/042313-11.7-4.1
1955/02/101955/03/14333-11.1-1.0
1956/01/311956/02/282920-16.6-10.5
1963/02/121963/03/04214-10.7-2.6
1968/02/221968/03/02103-5.4-0.8
1971/02/261971/03/08113-10.3-2.3
1986/02/041986/03/042915-10.7-5.7
2005/02/212005/03/06144-6.6-0.9

Top 10 des offensives hivernales les plus tardives et les plus longues, abri fermé d’Uccle depuis 1901.

  • Durée= durée de la période de gel continue (en nombre de jours)
  • TXneg= nombre de jours où les maxima ont été négatifs durant cette période
  • TNmin= minimum le plus faible sur la période
  • TXmin= maximum le plus faible sur la période
Anomalie de géopotentiel - en rouge - en altitude (environ 5500m), au-dessus de la zone arctique. Source : Atmospheric and Environmental Reasearch -https://www.aer.com/science-research/climate-weather/arctic-oscillation/

Anomalie de géopotentiel - en rouge - en altitude (environ 5500m), au-dessus de la zone arctique. Source : Atmospheric and Environmental Reasearch -https://www.aer.com/science-research/climate-weather/arctic-oscillation/

D'un point de vue plus global, cette offensive de l'air froid s'explique par un phénomène de perturbation du "vortex polaire" associée à un réchauffement de la stratosphère. Le "vortex polaire" consiste en une ceinture de vents dans les couches élevées de l'atmosphère (typiquement entre 10 et 50 km d'altitude) qui encerclent l'air polaire. Il s'agit donc d'une circulation en moyenne fermée qui entoure le pôle, d'où son appellation de "vortex polaire". Dans une configuration normale, ce courant d'altitude souffle du secteur ouest ; il circule donc autour du pôle dans le sens inverse des aiguilles de la montre, et la stratosphère qui surplombe la zone polaire est plus froide que celle au-dessus des régions de latitudes plus basses. Toutefois, il arrive parfois que certaines ondes atmosphériques (que l'on peut assimiler à des perturbations se propageant comme des vagues à la surface de l'eau) parviennent à perturber le vortex polaire.

Animation montrant l'arrivée de masses d'air froid sur nos régions à environ 1500 d'altitude (850 hPa) - ici représentée par les nuances colorées - jusqu'au samedi 3 mars 2018. Source : modèle de prévisions numériques ECMWF

 

Lorsque cela se produit, la stratosphère au-dessus des pôles se réchauffe, et le courant associé au vortex s'affaiblit dans sa partie supérieures (entre 10 et 50 km d'altitude), a tendance à devenir instable et à "serpenter" et change même de direction. Dans ce cas, il prend une composante est, et ce renversement de direction se propage ensuite graduellement vers les couches plus basses de l'atmosphère. Cette anomalie se répercute sur la situation en surface avec des descentes de poches d'air polaire à des latitudes plus basses. Nous sommes actuellement dans ce cas de figure, avec une zone de haute pression qui restera bloquée sur la Scandinavie avant de se décaler vers le nord de l'océan Atlantique la semaine prochaine. Cette situation donnera lieu à la persistance d'un flux d'est à nord-est sur nos régions, amenant de l'air continental et/ou polaire sur une grande partie du continent européen.

 

Le vortex polaire dont il est question ces jours-ci ne se situera pas en Belgique, mais les effets y associés engendreront un épisode hivernal tardif de quelques jours.

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